Par Sarah HADDI, co-responsable du pôle Démocratie de Lueurs Républicaines.


Mardi 12 décembre, pour la première fois, une française ancienne membre de l’Etat islamique est morte dans un camp sous contrôle des autorités kurdes dans le nord-est de la Syrie. Elle avait 28 ans. Diabétique et insulino-dépendante, elle est décédée, faute de soins, laissant derrière elle une orpheline de 6 ans.

Un drame qui (re)met en lumière l’inertie de la France sur le rapatriement des enfants détenus arbitrairement dans deux camps au nord-est de la Syrie, Al-Hol et Roj. 

Depuis la fin de la guerre contre DAECH, des dizaines de milliers de personnes ayant vécu sous ce régime ont été placées dans des camps situés dans le nord-est syrien, zone contrôlée par les Forces démocratiques syriennes, à majorité kurde. Parmi eux, des enfants qui sont majoritairement âgés de moins de cinq ans. Certains sont orphelins ou isolés, d’autres sont accompagnés d’un parent.

Les autorités kurdes exhortent les pays membres de la coalition, dont la France fait partie, à organiser le rapatriement de leurs ressortissants. En effet, elles ont reconnu qu’elles n’étaient pas en mesure de permettre à ces familles de bénéficier de condition de détention dignes et de la possibilité d’être jugées dans le respect des droits de la défense.

Les enfants des camps syriens : des victimes que la France abandonne en leur faisant payer le choix de leurs parents.

C’est le quatrième hiver qu’ils passeront sur place, sans que la France n’ait pris ses responsabilités. Depuis plus de 3 ans, des avocats, des associations de défense des droits de l’Homme, des parlementaires alertent sur cet état de fait et se battent pour obtenir auprès d’Emmanuel Macron et des autorités françaises le rapatriement des enfants et des mères.

Comme elle l’a déjà fait dans un avis en date du 24 septembre 2019, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme dresse le 16 décembre 2021 un constat édifiant sur leurs conditions de vie : une insuffisance de structures sanitaires, d’eau et de nourriture, inadéquation des tentes pour protéger du froid et de la pluie, absence de toute prise éducative. Les épidémies de choléra et tuberculoses ont commencé, tous les enfants sont atteints de dysenteries.

Elle constate également que s’ajoute, au désastre sanitaire, des tensions et une violence croissantes au sein du camp de la Roj entre ces femmes qui souhaitent être judiciarisées en France et celles femmes toujours attachées à l’idéologie de l’Etat islamique les empêchant de s’exprimer en les menaçants.

La Commission considère ces enfants prisonniers comme des victimes de guerre et appelle la France à en faire de même.

Victimes de la guerre ;

Victimes des choix de leurs parents ;

Victimes d’une captivité inhumaine dont la prolongation aggrave leurs traumatismes ;

Chaque jour qui passe est un jour de trop. Ces enfants sont confrontés quotidiennement à des scènes de vie qui auront des conséquences physiques et psychiques irrémédiables.

Face à l’inertie politique, que reste-t-il de la France des Lumières ?

Quand les Kurdes eux-mêmes exhortent la France à ce que les françaises et leurs enfants soient rapatriés le plus vite possible car ils ne peuvent être jugés au Kurdistan, tout simplement parce que l’administration kurde n’est pas reconnue internationalement. Et que rien n’est fait !

Quand nos voisins européens (belges, allemands, italiens, danois ou encore finlandais) ont décidé au cours de l’année 2021 de rapatrier la plus grande partie de leurs ressortissants présents dans les camps. Alors que la France, n’en a fait aucun depuis Janvier 2021.

L’inaction du gouvernement sur le sujet, cette volonté d’invisibiliser cette question épineuse et qui embarrasse le Quay d’Orsay depuis 2019, ne saurait nous faire oublier la responsabilité que nous engageons en n’apportant aucune réponse juridique, sanitaire ni humanitaire.

Le manque de courage politique est criant et relève d’une absence totale de responsabilité de la part du gouvernement français. Quelle histoire raconterons-nous lorsqu’ils se demanderont pourquoi nous avons mis autant de temps avant de les considérer comme ceux qu’ils sont : des victimes ?

La nécessité d’une prise en charge adaptée.

Dès leur retour en France, les enfants doivent être pris en charge par des professionnels. Afin de les accompagner dans un processus de guérison, il faut  pour les protéger de leur histoire qui leur appartient, préserver leur anonymat. Traumatisés par des années de captivité inhumaine, ces enfants doivent impérativement bénéficier d’un dispositif de prise en charge immédiat et adapté, préparé en amont du rapatriement. Ces enfants sont soignés en arrivant, physiquement mais aussi psychiquement car ceux sont d’abord des traumatisés et des victimes de guerre.

C’est un long travail qui s’engage avec eux, qui prend du temps. Il faudra s’armer de patience parce qu’avant qu’ils se confient, se livrent pour pouvoir mieux se reconstruire, il est primordial qu’ils se sentent protégés et hors de danger.

C’est en cela que le rôle de l’aide sociale à l’enfance est primordial. Actuellement, l’aide sociale du Val-de-Marne ou de Seine Saint Denis est spécialement formée pour les prendre en charge et les accueillir. Il en est de même pour les familles d’accueil.  Chaque fratrie doit être préservée, le lien avec la mère même si celle-ci est poursuivie et détenue doit être maintenu. Il est essentiel pour le bon développement de l’enfant que les liens avec les autres membres de leur famille soient préservés.

Les grands-parents jouent un rôle essentiel dans la reconstruction des enfants mais à leur tour ils devront être armés pour accueillir cet enfant qu’il faudra (re)découvrir et apprendre à aimer avec ses failles et ses blessures.

Les moyens financiers et humains nécessaires doivent être déployés afin de permettre aux professionnels de l’aide sociale à l’enfance de réaliser un accompagnement qui rendra toutes ses lettres de noblesse à la France.

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