L’actualité est régulièrement rythmée par des affaires en lien avec la laïcité : collège de Creil, port de voile, le Burkini ou les repas dans les cantines. À chaque fois, la laïcité est invoquée. Mais ce terme est devenu flou pour nombre de citoyens au point que les législateurs et les pouvoirs publics doivent interpréter la loi de 1905, devenue inadaptée face à ces nouveaux débats. Garant de la liberté dans certains cas, contraignante dans d’autres, comment définir la laïcité ? Alain Vantroys, délégué régional de la Ligue des Droits de l’Homme et Floran Vadillo, Président du Think tank l’hétairie, tentent de répondre à la question. 

En matière de laïcité, la loi de 1905 fait figure de référence, elle stipule que “La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte”.

En effet, l’État traite l’ensemble des religions à égalité. Le débat qui accompagna la loi fut prolongé autour de l’interdiction de la soutane pour les religieux catholiques ou encore la réglementation des processions religieuses sur l’espace public. Le prisme de la liberté fut toujours privilégié. 

Les lois ont évolué avec l’affirmation de l’Islam dans la société française dans les années 1990, axé sur l’acceptabilité et la visibilité des cultes dans l’espace public. Le débat est plus clivant désormais. Une des raisons serait, selon les intervenants, le passage d’une “catho-laïcité” à une laïcité envers tous les cultes. Le premier concept renvoie à la tolérance de la présence de la religion catholique en France, notamment dans l’architecture et la présence d’églises dans chaque commune, en raison des “racines chrétiennes de la France”. La présence du catholicisme était tolérée. Mettre tous les cultes sur un pied d’égalité soulève de nouvelles questions. La religion catholique ne comporte que peu de restrictions alimentaires ou vestimentaires, la question ne se posait donc pas. Ce qui n’est pas le cas vis-à-vis de la religion musulmane, dont le port du voile dans les établissements publics fait encore débat aujourd’hui. 

Dans ces cas de figure, il est nécessaire de se référer à la loi de 1905, mais une loi de plus de 100 ans ne traite pas toutes les situations et se révèle parfois inadaptée, et est donc sujet à interprétation. On invoque la laïcité dans le cas d’atteinte à l’ordre public, sans qu’il soit clairement défini. Il résulte plus d’une addition de lois héritées d’événements divers que d’une réelle vision cohérente sur le sujet. De nombreuses lois sont abrogées, car elle ne sont plus adaptées à notre époque ou car elles ne font plus consensus, comme la loi interdisant aux femmes de porter des pantalons… Serait-il temps de réaliser une nouvelle loi sur la laïcité ? La religion est-elle si présente dans la société au point qu’il faille légiférer pour la restreindre ?

La laïcité soulève des problématiques plus larges. D’abord, la question de l’éducation : éducation à la tolérance, l’éducation qui permet de faire société ensemble et fait vivre la cohésion sociale. Le besoin de vivre en communauté est naturel. Si la communauté nationale, républicaine n’est pas assez forte, d’autres, notamment religieuses, la remplacent. Ensuite, la question de ce que l’on veut rendre visible sur la voie publique. Dans la ville de New York, il est interdit de fumer dans l’espace public, au même titre qu’il est interdit de consommer de l’alcool sur la voie publique en France. Il est nécessaire de se demander quelle est la place de la loi pour la société, à quel point doit-elle réglementer l’espace public ? Ce dernier est-il un espace de tolérance et de liberté ou un espace régulé ? Quelles interactions sur l’espace public sont souhaitables ? Enfin, la question des restrictions de liberté. Le contrat d’engagement républicain pour les associations en est un exemple. L’association Alternatiba s’est vue interdire un événement portant sur la désobéissance civile. 

Alors quelle laïcité doit porter la gauche aujourd’hui ? On observe pourtant un clivage au sein de la gauche sur cette question alors même qu’elle se refuse à l’aborder, car encore considérée comme un tabou. On assiste à un impensé identitaire. Elle porte des revendications sociétales, comme le mariage pour tous, mais est absente sur les thématiques de ce qui fait la nation, sur la francophonie, intrinsèquement liés à la laïcité. 

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