« Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. »

Les mots de l’article 14 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme sont pourtant limpides et sans équivoque : n’importe quel citoyen, peu importe son pays, ses origines sociales, sa confession ou ses croyances les plus profondes peut et doit pouvoir trouver refuge au sein des communautés politiques pour lesquelles les droits de l’homme ne sont pas qu’une vulgaire vulgate politicienne mais bien une réalité tangible. Nul besoin de démontrer que ce droit, dont la communauté internationale a garanti la protection, est l’expression même de l’universalisme républicain et de l’idéal démocratique dont de nombreux pays se prévalent. Nul besoin de démontrer non plus qu’au-delà de ce devoir éthique, moral et politique, il est également une obligation légale que notre Etat de droit garantit, celui-là même qui protège nos citoyens et encadre les éventuels excès de nos institutions.

A cet égard, l’urgence de l’application du droit d’asile pour les populations afghanes semble être une évidence. Qui peut aujourd’hui prétendre ne pas avoir vu les scènes de chaos à l’aéroport de Kaboul, ni avoir entendu les cris de détresse des femmes, enfants et hommes afghans, entrecoupés des tirs de sommation des troupes américaines ? Qui peut également affirmer ne pas avoir écouté les témoignages des femmes et filles afghanes dont le sort semble désormais tragiquement incertain ? Chékéba Hachemi, Présidente et fondatrice de l’association Afghanistan Libre, qui parle d’un « retour en arrière dramatique » où les femmes et filles afghanes « vont être emmurées vivantes » ? Qui peut enfin se targuer de ne pas connaître la violence dont les talibans sont capables ? Ne nous laissons pas berner par les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, où on voit ces mêmes talibans, armes à la main, s’amuser dans un parc d’attraction ou dans une salle de sport.

Le consensus international estime que la menace planant sur les femmes, enfants et hommes afghans n’est plus une hypothèse mais un danger immédiat, lequel appelle sans aucun compromis ni ambiguïté l’accueil de ces populations en Europe afin de les protéger.

Et pourtant.

Alors qu’il appelait, en novembre 2020, au sursaut européen et à son réveil éclairé, se faisant le plus fervent défenseur des valeurs portées par les Lumières, le Président de la République française, Emmanuel Macron, n’a parlé, dans son allocution du 16 août dernier, que de la nécessité pour la France non pas de défendre les populations afghanes contre l’obscurantisme religieux et sa violence, mais d’ « anticiper et (nous) protéger contre les flux migratoires irréguliers » venus d’Afghanistan. Honteux. Où se trouve l’humanité dans ces mots ? Où se trouve l’humanité dans les maux de la population afghane qui ne cesse d’appeler au secours ?

Il s’agit là d’un déshonorant hommage à la Déclaration universelle des droits de l’homme et cela dit des choses horribles sur la société vers laquelle on souhaite nous amener. Car oui. Il ne s’agit pas simplement de “flux migratoires” mais de femmes et d’hommes, de vies et de morts, d’universalisme et d’obscurantisme. Et en entretenant sciemment la confusion entre asile et immigration irrégulière, Emmanuel Macron s’enferme – et enferme la France avec lui – dans une peur irrationnelle de ce qui se trouverait hors de nos frontières nationales. L’heure n’est pas aux calculs politiciens mais à l’urgence de l’action. Prétendre le contraire serait abject et foulerait au sol l’universalisme humaniste dont se prévaut pourtant notre République.

Clamer haut et fort que nous sommes les dignes héritiers de cette pensée et assumer l’inaction voire le dénis alors même que la crise humanitaire l’exige entacherait l’honneur de la France tout en affaiblissant son aura sur la scène internationale. Que dire en effet d’une puissance qui n’honore pas ses engagements moraux et légaux et qui préfère à l’action politique forte les vœux pieux politiciens ? Quelle sera l’image de notre pays pour ces millions d’Afghans, devant lesquels nous nous sommes justifiés par nos valeurs humanistes, si la France elle-même ne les met pas en application lorsqu’elles vont dans leur intérêt ? La pleine application de ce droit d’asile est la manière la plus éloquente d’éprouver “notre amitié” avec le peuple afghan, dont se targue le Président de la République. Quel est le sens de l’amitié, lorsque l’on ne répond pas présent dans les moments les plus difficiles ?

Nous décidons de défendre le droit et les libertés fondamentales auxquels nous sommes tant attachés et qui doivent être notre seule boussole. Nous nous plaçons aux côtés des réprimés, des méprisés, des menacés, de ceux qui sont démunis, car il s’agit de prendre notre responsabilité et de leur venir en aide puissamment. Elle est d’autant plus urgente qu’elle est la seule voie pour montrer en quoi ce même universalisme n’est pas un simple concept vide de toute substance mais une réalité politique, pétrie des valeurs humanistes que sont celles des Lumières et de tout régime démocratique dont la nature constitutionnelle est conditionnée par l’existence d’un Etat de droit comme l’indique l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Tâchons d’en être dignes et de l’honorer de la manière la plus exemplaire. Le sort du peuple afghan en dépend. Celui de notre démocratie et du sens que nous donnons à la justice et au vivre ensemble, dans un monde où l’injustice prime bien trop souvent.

Aussi, il serait une lâcheté que d’attendre que ces populations aient à risquer leur vie, en traversant des dizaines de pays, avant de pouvoir décider de les accueillir en France. Pour cela, nous devons être clairs : accueillir dans la dignité la plus totale, celles et ceux qui fuient le chaos en Afghanistan doit être une volonté active. Dépêcher des moyens inédits pour rapatrier sur le sol français et européen toutes les femmes, tous les enfants et tous les hommes dont la vie est d’ores et déjà menacée, est un devoir républicain. L’armée française en a assurément les moyens.

Que toutes celles et tous ceux qui, hier, ont participé au travail de construction d’un Etat ouvert et démocratique en Afghanistan, trouvent aujourd’hui en la France une patrie reconnaissante, protectrice et accueillante.

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