En France, la production d’électricité en 2021 a été assurée à plus de 92 % par des sources n’émettant pas de gaz à effet de serre (GES), notamment l’énergie nucléaire (69 %), l’énergie hydroélectrique (12 %) et les autres énergies renouvelables (11 %). En 2020, la France a réduit de 10% ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, grâce notamment à la réduction de la part de charbon dans le mix énergétique et à l’augmentation de la production d’énergies renouvelables. Le pays a également augmenté sa part d’énergie renouvelable dans sa consommation totale d’énergie à environ 32%. A l’heure où la crise énergétique frappe la France et qu’une partie du parc nucléaire français arrive en fin de vie, la question du poids du nucléaire dans le mix énergétique français fait débat. Alain Dubois, Président des acteurs régionaux du Développement durable et Bertrand Ringot, Maire de Gravelines et Vice Président de l’Association des maires du Nord débattent sur le sujet du Nucléaire.
Tout d’abord, une mise en perspective est nécessaire. La question de l’énergie de demain et de la protection du climat vont ensemble. D’un côté, la France subit les effets du réchauffement climatique : sécheresse, inondation, augmentation de 2,3°c par rapport à l’ère préindustrielle, contre 1,1°c en moyenne dans le monde. De l’autre, la France est responsable de 3,4 milliards de T CO2, soit de presque 5% des émissions mondiales. Mais les émissions ont diminué de 20% par rapport à 1990 et devront encore baisser de 55% d’ici à 2030. Mais, par rapport à d’autres pays, l’effort de réduction des GES de la France est moins important, et ce, notamment grâce au nucléaire. L’énergie est le principal levier d’action pour réduire nos émissions de GES, car elle concerne tous les secteurs de l’économie : industrie, agriculture, tertiaire, logements etc…
Avant de penser au mix énergétique, pensons aux manières de réduire notre consommation d’énergie. Le triptyque éviter-réduire-compenser montre toute sa pertinence. Le principal levier pour éviter la consommation inutile d’énergie est l’isolation des bâtiments. Les pouvoirs publics se doivent d’être exemplaire, en rénovant son propre parc immobilier, mais doivent aussi accompagner les particuliers dans la rénovation totale et en une fois de leur logement, en évitant les rénovations partielles. L’Etat doit donc mettre les moyens financiers nécessaires pour atteindre son objectif de 700 000 logements rénovés par an. Dès lors, il est possible d’imaginer des mécanismes incitatifs comme la défiscalisation des travaux d’isolation et des subventions ciblées sur les ménages les plus précaires.
Un autre levier consiste en l’investissement dans la Recherche et développement autour d’appareils électriques plus performants, qui fonctionnent mieux en réduisant leur consommation d’énergie, mais aussi dotés d’une meilleure durabilité en luttant contre l’obsolescence programmée. Enfin, compenser les émissions fatales par la reforestation, une attention particulière accordée aux zones humides et aux terres agricoles, vivier prometteur pour séquestrer le carbone dans le sol.
Le nucléaire, même dominant dans le mix énergétique français, doit s’accompagner d’autres sources de production d’énergie. Dans la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD), la centrale de Gravelines produit 5400 mégawatt (MW), soit 61% de la consommation totale d’énergie dans la région des Hauts-de-France, et 10% de la consommation nationale. Elle s’étend sur 150 ha. En comparaison, une éolienne produit en moyenne 2 MW. La question de l’utilisation de l’espace entre en jeu. Le foncier mobilisé par des éoliennes, si l’on voulait produire autant d’énergie que la centrale de Gravelines serait très conséquent, à l’heure ou les projets d’installation d’éoliennes rencontrent de fortes oppositions. La centrale de Gravelines est idéalement située : il y a du foncier disponible, la centrale n’est pas située sur un fleuve, qui serait exposé aux problèmes de réduction du débit d’eau, mais sur le littoral. Néanmoins, la CUD développe d’autres sources d’énergies pour diversifier son mix énergétique, comme le méthane et les éoliennes Offshore (dont la contestation est plus forte que pour le nucléaire).
Concernant les risques liées au nucléaire, d’une part la sécurité des sites est assurée par des brigades de gendarmes spécialisées. Les sites sont également surveillés et inspectés par l’Autorité de Sûreté nucléaire, dont l’indépendance vis-à-vis de l’Etat ou des communes est totale. Enfin, les systèmes de protection et de prévention des accidents est régulièrement mis à jour.
La question des usages de l’énergie se pose également. Alors que la sobriété énergétique ne cesse de revenir dans le débat public, notre société développe de nombreux usages fondés sur l’électricité, accroissant ainsi notre demande : les nouvelles technologies, les appareils électroniques, mais aussi les voitures électriques. Mais ce dernier sujet ne peut pas être traité que sous le prisme de sa pollution. Tout d’abord ,à la pollution fruit de la combustion produite par la voiture, s’ajoute celle produite par l’usure des freins et des pneus, que le passage à une voiture électrique ne réglerait pas. Ensuite, cela ne règle en rien la question de la dépendance aux transports individuels et à l’espace qu’occupent les voitures en ville. Mais en l’absence d’un maillage de transports alternatifs – trains, bus, tramways, et plus globalement une offre de transport en commun en milieu rural – il est difficile d’imaginer une réduction de notre dépendance à la voiture.
Enfin, le nucléaire pose des questions sanitaires. L’industrie est encore largement dépendante des énergies fossiles. Leur combustion produit de grandes quantités de CO2 et de poussières, respirées par les employés et par les habitants aux alentours. Par exemple, l’entreprise de sidérurgie Arcelor nécessiterait à elle seule la construction d’un réacteur supplémentaire pour la décarboner et la faire fonctionner via l’électricité. Des choix de cette nature devront être pris dans les prochaines années, car Il n’y a pas de grands pays sans industrie, et pas d’industrie sans énergie. Cette énergie se doit d’être décarbonée. L’avenir du parc nucléaire français se joue aujourd’hui. De nombreuses centrales, mises en service en dans les années 1980. La construction de nouveaux réacteurs prend entre 12 et 15 ans. Les décisions de remplacer les anciens réacteurs doivent se prendre maintenant. Mais le problème de la formation des ingénieurs dans le nucléaire pose problème car le savoir-faire français n’est plus aussi bon, ce qui explique le retard de l’EPR de Flamanville. Un investissement massif dans le nucléaire et dans la formation des travailleurs du nucléaire sera nécessaire si la France souhaite conserver son avance et son savoir-faire.