La crise démocratique a plusieurs visages, celui connu de l’abstention et du vote pour l’extrême droite, mais aussi celui beaucoup moins de la recrudescence du régionalisme. Face au sentiment croissant du besoin de proximité, mais aussi aux sentiments plus anciens liés à l’histoire et à la culture d’un territoire, ce phénomène prend de l’ampleur en France.

La région, strate majeure des institutions françaises, doit pouvoir se réinventer. Pour en débattre, nous avons reçu Benjamin Morel, docteur en sciences politiques, maître de conférences en droit public à l’université de Paris-Assas.

L’Europe a longtemps été constituée de petits états aux langues, coutumes, pratiques et conceptions du monde bien distincts les unes des autres. En France, l’ethno-régionalisme est née au début du XIXème siècle avec les revendications des alsaciens, des bretons et des corses. Face à l’élite française qui, dans la construction de la France comme Etat et du français comme langue officielle, a tenté d’éliminer les spécificités régionales, les régionalistes ont argué que le pays réel (la Région) doit lutter contre le pays légal (la France).

Paradoxalement, le clivage gauche-droite n’est que peu pertinent dans cette situation, car la Droite défend le particularisme de l’Alsace alors que la Gauche soutient les spécificités bretonnes. Il est à noter qu’en Bretagne, depuis 20 ans, le sentiment d’être breton avant d’être français a doublé, passant de 20% à 40%.

Cette montée du régionalisme est donc à prendre au sérieux. 

 Aujourd’hui les identitaires reprennent ces mêmes arguments à des fins différentes, à savoir réactiver l’imaginaire nationaliste face à la mondialisation. C’est pourtant la gauche qui a donné du sens et du contenu à la région en 1982 avec les lois de décentralisation.

Elle s’appuyait alors sur une idée plurielle de la Région, par le biais du cadre économique, en déconcentrant et décentralisant le développement du territoire, mais aussi le cadre culturel et démocratique avec la notion de subsidiarité. Pour autant, l’échelon de la région est aujourd’hui illisible sans doute à cause de l’enchevêtrement des compétences entre les différentes strates administratives.

L’illisibilité de la décentralisation encourage la défiance à son encontre.

Depuis, on assiste à une décentralisation asymétrique, qui accentue les différenciations territoriales, notamment depuis 2017. Si une région estime que son identité est affaiblie ou moins bien traitée qu’une autre, elle a le sentiment de ne pas être respectée et en demande donc toujours plus. Ce qui débouche à une surenchère des régions, alors même que la question d’inégalités dues à la métropolisation n’est pas abordée. La question est moins de donner de nouvelles compétences, que de donner les moyens financiers et techniques nécessaires à la bonne exécution des compétences déjà en possession des territoires. La déconcentration et la décentralisation doivent aller de pair.

Aujourd’hui, dans le contexte de crise démocratique, les élus locaux ont de moins en moins de pouvoir. La proposition de création de conseillers territoriaux, fusionnant les conseillers départementaux et régionaux réapparait dans le paysage politique.

Cependant, réduire le nombre d’élus et rajouter davantage de distance avec les citoyens sont-ils les solutions pour résoudre la crise démocratique ?

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