Loi immigration, fin du droit du sol à Mayotte, recul de la cause environnementale : les idées de l’extrême droite sont omniprésentes dans le débat public. Un signe supplémentaire qui laisse penser que le Rassemblement National est en train de gagner la bataille des idées en parvenant à les imposer dans les médias et dans l’agenda législatif. Comment l’expliquer ? Dans le cadre d’un cycle de conférences sur la montée du populisme et de l’extrême droite, Aquilino Morelle, ancien conseiller de François Hollande revient sur la montée en puissance du Rassemblement National depuis ces dernières années. 

Un premier constat est celui du changement de la perception qu’ont les français du Rassemblement National. 40% d’entre eux apprécient les idées du RN, 47% estiment que Marine Le Pen a la stature de Présidente de la République et 57% estiment qu’elle est proche de leurs préoccupations. Tant Marine Le Pen que Jordan Bardella sont hauts dans les sondages de popularité. Ce changement de perception s’est traduit en une augmentation sans précédent du nombre de votes pour le RN. Des 190 000 voix rassemblées en 1974 (0.74% des votes) par Jean-Marie Le Pen, Marine le Pen a reçu le vote de 13 288 000 électeurs en 2022 (41% des votes), soit une multiplication par 70, et une multiplication par presque 3 par rapport au score de 2002. Face à ce constat, l’accession de Marine Le Pen à l’Élysée est de plus en plus probable, alors que cela était encore envisageable autant politiquement que mathématiquement.

Aux législatives de 2022, le RN s’est maintenu dans 208 circonscriptions, et était en tête dans 110 d’entre elles. Finalement, ce sont 89 députés d’extrême droite qui ont fait leur entrée au Palais Bourbon. Ce score est d’autant plus alarmant que le mode de scrutin à deux tours est défavorable au RN, car le front républicain permet le report des voix sur les adversaires des candidats de l’extrême droite. Cependant, le front républicain s’érode à mesure et a pour conséquence les bons scores de l’extrême droite. Fait notable, le RN détient toutes les circonscriptions de 5 départements : les Pyrénées-Orientales, l’Aude, la Haute-Marne et la Haute-Saône.

Alors comment percevoir le vote de ces 13 millions de français ? Sont-ils fascistes, racistes, antisémites ? Le politologue Pascal Perrineau explique que “quand la France va mal, le FN va très bien”. Ce qu’il faut comprendre est que le Rassemblement National tire sa force des crises que la France traverse. Or la France traverse plusieurs crises et le sentiment de colère, d’exaspération, d’injustice et de déception vis-à-vis de la classe politique grandit en conséquence. La France traverse également une crise d’identité provoquée par plusieurs facteurs : l’augmentation de la pauvreté et de la précarisation, la désindustrialisation et le déclassement économique et social. Les citoyens demandent une forme de dignité pour vivre leur vie. Pourtant, cette demande ne semble pas satisfaite par la classe politique malgré les alternances, ce qui donne l’impression que les différences entre la gauche, le centre et la droite sont minimes.

La question de l’immigration a été imposée dans le débat public, notamment par les efforts de l’extrême droite, celle-ci ne semble pas traitée – notamment par la gauche qui refuse de s’emparer de la question. Ainsi les électeurs se tournent vers ceux dont l’immigration constitue le pilier de leurs programmes : l’extrême droite. Il est donc important pour la gauche de travailler cette question. On constate depuis le tournant de la rigueur en 1983 une perte de repère des électeurs

Faut-il chercher une partie de la réponse dans le rôle de l’Union européenne ? La dilution de la souveraineté des états au profit de l’Union européenne est un angle d’attaque largement utilisé par l’extrême droite.

à 40 mois de l’élection présidentielle, il est trop tard pour traiter tous les problèmes depuis 40 ans. Il est inutile, faux et dangereux de considérer les électeurs de Marine Le Pen comme des “salauds”, et que leurs problèmes sont illégitimes. Ces derniers se sont tournés vers l’extrême droite faute de réponses apportées par la Gauche.

Aujourd’hui l’urgence est de répondre aux problématiques d’actualité sans tomber dans le piège de l’extrême droite et changer de méthode en s’emparant des thématiques portées par l’extrême droite, faire le bon diagnostic et émettre des propositions qui répondent aux attentes des français, sans ne laisser personne sur le bord du chemin. Il est nécessaire d’affirmer que l’immigration n’est pas le problème, c’est le racisme qui en est un.

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