Il n’aura fallu que quatre mois avant que le Gouvernement ne se résigne à employer l’article 49.3, permettant à l’Exécutif d’engager sa responsabilité sur un texte de loi (en l’espèce le projet de loi de finances ou encore celui de financement de la sécurité sociale) , celui-ci étant réputé être adopté sans débat si aucune motion de censure n’est adoptée. Depuis la révision de 2008, son usage est cependant limité à un projet ou proposition de loi par session, sans compter les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. “Argent fait rage, amour et mariage”.

Il s’en est cependant fallu de peu pour que le Gouvernement d’Elisabeth Borne ne soit pas renversé, 50 voix précisément. Déposée par un dixième des membres du Parlement, l’effectivité de la motion de censure est subordonnée à l’adoption par la majorité absolue des députés, à savoir 289 voix. Prenant tout le monde de court (singulièrement la NUPES), la cheffe du Rassemblement National, Marine Le Pen, a apporté son soutien à la motion de censure déposée par les partis de Gauche. Celle-ci a recueilli 239 voix, privé de l’appui des députés Les Républicains qui se sont prévalus du fait de ne pas vouloir assortir la crise économique et énergétique d’une crise politique.

Plus que jamais affaibli, le Gouvernement d’Elisabeth Borne aurait pu se voir destitué par l’emploi de la motion de censure provoquée, comme l’a été jadis le gouvernement Pompidou.

Passé à côté de l’Histoire donc, le déclenchement du 49.3 est cependant révélateur de l’inertie de l’action gouvernementale qui, faute d’avoir convaincu, doit désormais composer avec la contestation. Sans doute le président jupitérien devrait-il davantage s’inspirer d’Hermès, dieu de la communication et du compromis, afin de ne pas faire de son second mandat une véritable calamitée.

Comment expliquer un décalage si conséquent entre, d’un côté, la promesse d’une nouvelle méthode plus démocratique, plus horizontale ; et de l’autre, le passage en force que représente le 49.3 , symbole de la verticalité qui caractérisait le premier mandat d’Emmanuel Macron?

Aucune révision ne doit supprimer de la lettre constitutionnelle cet article, mais la pratique de l’Exécutif, alors que le pays n’a jamais été autant divisé, doit davantage chercher la conciliation plutôt que l’opposition. Désavoué au sein même de ses soutiens – en témoigne l’amendement déposé par le MoDem concernant les superprofits – le Gouvernement ne peut se permettre de faire la sourde oreille aux exigences de changement : transition écologique, justice fiscale, refonte du projet de réforme des retraites… Alors même que l’ensemble de la classe politique le réclame.

L’obstination ne saurait museler les dissidences qu’un premier quinquennat a su faire taire. Désormais en sursis, le Gouvernement devra faire preuve de beaucoup de parcimonie s’il espère arriver au terme de son mandat. “Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage”.

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